Dans un arrêt du 28 février 2018, la Cour de cassation rappelle que le montant du bénéfice net, qui sert pour le calcul de la réserve spéciale de participation (RSP), certifié par une attestation du commissaire aux comptes ne peut pas être remis en cause et, ce, quand bien même l’action des syndicats était fondée sur la fraude ou l’abus de droit invoqués à l’encontre des actes de gestion de la société.
Lien : Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 28 février 2018, 16-50.015
Pour mémoire, le montant de la RSP à partager entre les salariés résulte (généralement) de la formule de calcul légale suivante : RSP = ½ (B – 5%C) x S / VA dans laquelle le « B » est le bénéfice net.
La question était donc ici de savoir si la réserve spéciale de participation (RSP) pouvait/devait être recalculée fictivement en faisant abstraction d’une opération de restructuration de la société et, ce, dans le but de neutraliser l’impact négatif de cette opération sur la détermination du bénéfice net de la société.
L’opération “COSMOS”
En l’espèce, cette affaire opposait la société WOLTERS KLUWER FRANCE (WKF) à plusieurs syndicats qui considéraient que l’opération de restructuration conduite en 2007 sous l’intitulé ” opération COSMOS ” (qui avait pour objectif de regrouper en une seule société différentes sociétés du groupe – notamment les sociétés holding WKA et WKB et les sociétés LAMY et GROUPE LIAISONS) avait empêché le versement d’une participation aux bénéfices aux salariés.
Plus précisément, les syndicats arguaient que l’endettement de la société (WKF), lié à un emprunt de 445 millions d’euros souscrit le 24 juillet 2007 auprès de la société mère, avait eu pour effet d’empêcher tout versement de participation. En outre, les syndicats avançaient que l’opération de restructuration COSMOS était constitutive d’une manœuvre frauduleuse, et à tout le moins, d’un abus de droit.
Par conséquent, les syndicats sollicitaient l’inopposabilité de cette opération aux salariés de la société WKF et le recalcul de la réserve spéciale de participation pour les exercices 2007 à 2022 en neutralisant les effets de l’opération.
Une première décision de la Cour d’appel de Versailles
La Cour d’appel de Versailles avait fait droit à cette demande en considérant que l’opération de restructuration contestée était constitutive d’une manœuvre frauduleuse. La Cour d’appel avait donc ordonné à l’employeur de reconstituer pour les années 2007 à 2015 la réserve spéciale de participation en neutralisant les effets de l’emprunt.
Lien : Cour d’appel de Versailles, 2 février 2016, n°15/0192
L’affaire a fait l’objet d’un pourvoi en cassation
La Cour de cassation casse cet arrêt et au visa des dispositions de l’article L3326-1 du code du travail décide que « le montant de la réserve spéciale de participation ne peut être remis en cause par le juge judiciaire lorsque ce montant a été certifié par une attestation du CAC, y compris en cas de fraude invoquée par des syndicats ».
La Cour de cassation fait ici une application stricte des textes : il n’est pas possible de remettre en cause le montant du bénéfice net lorsque celui-ci a été certifié par le commissaire au compte et ce, y compris en cas de fraude. Lorsqu’une opération de restructuration est intervenue, le commissaire aux comptes doit nécessairement en tenir compte pour établir son attestation et ne peut faire abstraction des opérations économiques réalisées même si celles-ci ont une incidence sur le montant de la réserve spéciale de participation.
Cette décision devrait avoir un impact favorable dans l’affaire Lapeyre, affaire pour laquelle le TGI de Nanterre avait décidé dans le cadre d’un jugement du 26 décembre 2017 que : « Les agissements fautifs – s’ils existent, et sans qu’il y ait lieu de les examiner – ne peuvent avoir pour effet de modifier le cadre de référence légal et amener à calculer la participation à laquelle peut prétendre un périmètre autre ».